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19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 01:20
Andrea Chénier à la Scala - Ne l'appelez plus jamais Monsieur Netrebko.

Yusif Eyvasov, Anna Netrebko © Brescia e Amisano - Teatro alla Scala.

 

Il est bien entendu qu'en matière d'Art, et surtout dans le domaine de l'art lyrique, toute objectivité est illusoire, et serait même à rejeter si par malheur elle s'insinuait dans notre perception, faisant de nous de simples consommateurs noyés dans le relativisme. Nous devons être avant tout des passionnés, parfois même des  excessifs, et le rester. Mais nous devons aussi nous garder de sombrer dans l'excès de certitudes en proférant des jugements par trop définitifs.

Pour certains commentateurs, il arrive qu'un artiste soit rangé dans la catégorie des irrécupérables dès sa découverte, et traîne derrière lui ses défauts, réels ou supposés, quelle que puisse être l'évolution de sa carrière. Ainsi en va-t-il de Yusif Eyvasof.

Sans aller jusqu'à suggérer à ces arbitres de l'élégance vocale de se comporter comme Saint Augustin dans ses Rétractations (Je vais faire la révision de tout ce que j'ai écrit, livres, lettres ou traités ; je vais soumettre mes oeuvres à une critique sévère, et ce qui m'y déplaît, à des annotations qui vaudront une censure. Oserait-on avoir l'imprudence de me reprendre, parce que je reprends moi-même mes erreurs ? Si l'on me dit que je n'aurais pas dû écrire ce qui était de nature à me déplaire plus tard, on aura raison, et je suis de cet avis; ce qu'on reproche justement à mes oeuvres, je le leur reproche moi-même. Et je n'aurais rien à corriger si j'avais dit ce qu'il fallait dire...), je ne saurais que trop leur conseiller d'user d'un soupçon de dialectique. De relire Hegel, par exemple, et son concept de "positivité de la négativité".

Comme beaucoup, j'ai découvert Yusif Eyvasof lors de l'annonce de ses fiançailles avec Anna Netrebko, en juillet 2014. Comme beaucoup, j'ai été loin d'être séduit par son chant fruste, par son timbre pauvre en harmoniques, par son incapacité à nuancer, par sa volonté évidente de bien montrer sa facilité à balancer des aigus claironnants, par son absence totale de sens théâtral. Comme beaucoup, je me suis dit que nous avions droit à une nouvelle caricature du ténor fier de ses contre-ut et de ses improbables chemises. Et puis est venu le Trovatore de Bastille, et son Manrico au double visage, Janus inversé de celui d'Álvarez . Là où ce dernier était magnifique, lors des deux premiers actes, lui restait au mieux quelconque. Mais le rôle est cruel, on attend tout de lui dans la seconde partie. Et malheureusement, l'intègre Argentin s'y effondrait, alors que le natif de Bakou se libérait, proposait une cavatine convenable à défaut d'être poétique, une cabalette royale (et, pour les puristes, dans le ton...) avant un Miserere et un finale somptueux. J'ai commencé alors à le considérer différemment, à regarder son parcours, à scruter ses engagements futurs. Je me suis rappelé que c'est à Rome, dans Manon Lescaut, que la rencontre fatidique avec Netrebko s'était produite, et que le chef n'était rien moins que Riccardo Muti, dont on connaît les exigences. Qu'il avait chanté Calaf au Met et à Vienne, que Gergiev faisait souvent appel à lui au Mariinsky. Qu'après avoir étudié en Azerbaïdjan, il était parti, à vingt ans, se perfectionner en Italie auprès de Franco Corelli ou de Ghena Dimitrova. Tout sauf des références d'imposteur, donc, comme certains voudraient le laisser croire. À l'évidence, il se trouvait en lui quelque chose qui allait bien finir par se révéler. Et vint ce sept décembre, cette mythique Saint-Ambroise marquant traditionnellement l'ouverture de la saison milanaise. La Scala et son public sans pitié, ses loggionisti guettant la moindre faille, son Histoire, sa légende. Et, qui plus est, avec un rôle aussi lourd et exposé que celui de Chénier, qui n'y avait pas été chanté depuis trente-deux ans. De quoi hésiter, refuser, réfléchir, hésiter encore pour enfin accepter. Un défi en forme de quitte ou double ? Peut-être...Mais si tentant, et finalement si beau à relever. Ne serait-ce que pour faire taire tous ceux que son seul nom faisait fuir.

Si j'ose évoquer la dialectique hégélienne dans un domaine où elle n'a pas vraiment sa raison de l'être, c'est uniquement pour briser quelques certitudes et beaucoup de lieux communs. Il se dit (et ce n'est probablement pas tout à fait faux...) qu'Anna Netrebko l'imposerait auprès d'elle lors de la signature de bon nombre de ses contrats. Si Yusif Eyvasof était un simple "objet beuglant", comme je le lis parfois, s'il était vraiment aussi mauvais que beaucoup l'affirment, alors les directeurs de toutes ces grandes maisons le seraient aussi. Comparaison a été faite avec Montserrat Caballé, tentant de placer un peu partout son ténor de mari, Bernabé Marti, démontrant ainsi que si l'amour est aveugle, il peut aussi être sourd. Mais ce ne fut possible que sur des scènes de seconde zone, et les sérieux problèmes de santé du cher époux mirent rapidement fin au massacre. Pour Netrebko, le calcul, si calcul il y a, est tout autre. Je ne sais pas si elle connaît la formule d'Hegel de "positivité de la négativité", mais en tout cas, elle l'applique à merveille. Car je suis convaincu que tous deux avaient bien conscience des défauts que j'ai évoqués, tout  comme ils avaient conscience du potentiel qu'ils masquaient. Or, si le "négatif" reste ce qu'il est, s'il reste "seul", enfermé dans la répétition infinie de sa propre image, il est conforté dans la satisfaction de ne rien changer. Nul ne peut décemment affirmer que Yusif Eyvasof n'a pas, en deux ans, considérablement progressé. Comment ? Tout simplement en ayant travaillé, en s'étant remis en question, en ayant le désir d'être, sinon au même niveau, du moins digne de sa partenaire. Et cela n'a pu se faire qu'avec la confiance qu'elle a en ses qualités, en partant de ce qui était "négatif" pour le faire évoluer vers le "positif". J'ai déjà écrit que Gergiev soulignait la grande capacité de travail de Netrebko, quoi qui puisse être dit ou écrit par ceux qui se contentent de constater des annulations ou des refus de prises de rôles, en oubliant les totales réussites des défis dans lesquels elle se lance (qui l'imaginait, il y a quatre ou cinq ans, en Lady Macbeth, en Manon Lescaut et bientôt en Turandot ?). Cette qualité doit être contagieuse, car bon nombre des lacunes qui étaient celles de son compagnon font aujourd'hui partie du passé. Bien entendu, il n'est pas devenu un ténor solaire, prince de la nuance, éclatant d'harmoniques mais il est sur la bonne voie. Et il n'a que quarante ans...

 

Andrea Chénier à la Scala - Ne l'appelez plus jamais Monsieur Netrebko.

Yusif Eyvasof © Brescia e Amisano - Teatro alla Scala.

 

La prise de son, tout sauf subtile, de la retransmission de cette Première ne doit pas nous tromper. Elle n'aurait pu que favoriser sa projection, et ceux qui l'ont entendu à Bastille savent qu'il n'en a nul besoin. Visiblement tendu à son entrée, avec un Un dì all'azzurro spazio assuré, voire un peu timide, il s'est peu à peu libéré en jouant sur ses points forts (un registre aigu insolent et toujours attaqué de façon franche et directe), un souffle semblant inépuisable, et en soignant au mieux son nuancier, à l'image d'un Come un bel di di maggio commencé à fleur de lèvres, et s'épanouissant avec beaucoup de finesse. Il ne faut jamais perdre de vue la difficulté de ce rôle, qui ne laisse aucun répit à son interprète à qui Giordano demande un investissement total. Alors oui, le timbre n'est pas celui d'un Corelli, et ne le sera probablement jamais, ni même celui d'un Álvarez . Le jeu de scène est pour le moins sommaire, voire gauche (ah...ces regards au chef pendant l'acmé des duos d'amour...), mais pour le reste, qui oserait dire que le pari n'est pas tenu ? Qu'il n'a pas "chanté" Chénier sans accident, sans fatigue audible ? Qu'il n'a pas "incarné" le poète ? Qui aurait imaginé cela il y a ne serait-ce que deux ou trois ans ? Ceux qui, simplement, ne condamnent pas définitivement au bûcher un chanteur dès qu'ils le découvrent en ne retenant de lui que ses défauts. Sauf cas particuliers (maladie, inconscience, refus des ravages du temps...), il ne faut jamais désespérer d'un artiste.

Cela étant dit, cette Première ne vit pas de saluts individuels. Probable prudence face aux réactions imprévisibles des loggionisti, qui avaient injustement conspué Bryan Hymel et surtout Piotr Beczala ces dernières années. Mais ceux-ci, dans leur grande majorité, ne manifestèrent aucune hostilité. Yusif Eyvasof pouvait respirer...

Et l'on en oubliait que pour Anna Netrebko, Maddalena était une prise de rôle. Probablement l'un des plus courts de son répertoire actuel, mais certainement pas le plus simple, truffé de chausse-trapes insidieuses. L'écriture tout en chromatismes de la conversation (plus que du récitatif) caractérisant sa partie met souvent en avant ses fréquents soucis de justesse (en particulier dans le duo du II), mais la voix a aujourd'hui pris un tel volume, une telle ampleur, avec un médium superbement enraciné que ce défaut est très vite effacé de nos mémoires, d'autant qu'elle parvient à le corriger dans un exceptionnel duo avec Gérard, peut-être le moment le plus intense de cette soirée. D'autant qu'il précède un La mamma morta bouleversant d'humanité, d'introspection et d'émotion. Une Netrebko elle aussi à deux faces, s'épanouissant dans la seconde partie, comme si la prestation de son poète l'avait rassurée, et leur scène finale en sera la preuve évidente.

Aucune réserve, en revanche, ne viendra tempérer les éloges que mérite Luca Salsi, magnifique Gérard à la fois vocalement et scéniquement, traduisant à merveille la dualité, les souffrances, et même l'humanité d'un personnage extrêmement complexe. Gérard est un "faux méchant", sa violence n'est que façade et il l'a très bien compris. Amoureux de Maddalena, il admire Chénier, et même se voudrait Chénier. Un intense et foudroyant Nemico della patria ne doit pas faire oublier tous les doutes, tous les renoncements qui sont les siens dans les deux derniers actes. Admirable, en tous points.

L'ensemble du plateau est d'ailleurs à saluer, le moindre petit rôle étant superbement distribué, à l'image de la Bersi d'Annalisa Stroppa, du Roucher de Gabriele Sagona et, surtout, de la Madelon exceptionnelle de Judit Kutasi, à qui il suffit de trois minutes pour arrêter le temps et tirer des larmes à tout un public. Riccardo Chailly est un peu chez lui dans ce répertoire, que je ne me résoudrai décidément jamais à qualifier de "vériste", et sa direction n'appelle que des éloges, menant parfaitement l'action, se montrant conscient des conditions quelque peu particulières de cette Première en écoutant son plateau, et relançant sans cesse le drame. Habituellement loin de me convaincre par ses options d'interprétation (ou plutôt son absence d'options...), il est pour beaucoup dans le triomphe que le public réserva à cette soirée, qui bénéficia de surcroit d'une belle mise en scène signée Mario Martone, d'un grand classicisme mais faisant la part belle aux mouvements de foules et aux choeurs, eux aussi remarquables, dans la splendeur des costumes d'Ursula Patzak.

Et cependant, rien n'y fait...Yusif Eyvasof continue d'être brocardé, d'aucuns nient ses évidents progrès, certains même avouant s'être fait leur opinion en arrêtant la retransmission après le premier acte. Avec ou sans barbe, en chemise sobre ou bariolée, il apparaît que beaucoup de commentateurs ont un problème avec lui, au point de réserver les dates où il n'est pas programmé pour de futurs ouvrages. Et même son nom est parfois omis, remplacé par "Le mari de Madame" ou "Monsieur Netrebko". Comme si, sans elle, il n'existerait pas. Il a pour quelques-uns la place de l'imposteur, et la garderait même en offrant une soirée vocalement sublime. Il doit bien y avoir une raison à  ce comportement de rejet systématique, et j'en avance une, très simple : une forme de jalousie. Avec Erwin Schrott, Anna Netrebko formait un couple idéal, au sens "glamour" du terme. Lui, belle basse et beau gosse et elle, dont il est inutile de rappeler les atouts, "allaient très bien ensemble". Oui mais voilà, la vie est ce qu'elle est et parfois, une séparation en bons termes survient. Et arrive celui dont elle était tombée très amoureuse et là, surprise...Ce n'est pas faire affront à Yusif Eyvasof que de dire qu'il ne correspond pas aux canons de beauté masculine incarnés aujourd'hui par des Fabiano, Grigolo, d'Arcangelo ou Fanale, pour ne pas évoquer le "Tenor for the Ages", évidemment hors-concours. Non, il ressemble à Monsieur Tout-le-monde, et en plus arrive dans sa vie avec d'évidents défauts dans son chant. Pour certains, il n'est pas à sa place, il n'a tout simplement pas à être là, et il est donc inutile de l'écouter et d'admettre que ses progrès font de lui un artiste de rang international, et en tout cas un artiste à suivre. Rappelons-le, il n'a que quarante ans, dix de moins que Piotr Beczala, au sommet de son art, quinze de moins que Marcelo Álvarez (qui peut revenir à son meilleur niveau à tout moment), quatorze de moins que Roberto Alagna qui enchaîne les triomphes, pour ne pas évoquer Gregory Kunde. On me rétorquera qu'à quarante ans, les artistes que je cite triomphaient déjà dans le monde entier. C'est vrai, mais j'en reviens au point de départ : réécoutons le Yusif Eyvasof d'il y a deux ans, et comparons. Honnêtement...

Jusqu'à, peut-être, en arriver à dire, comme Saint Augustin : Ainsi donc, si on me lit, qu'on veuille bien ne pas m'imiter dans mes fautes, mais dans mon désir de correction et de progrès.

 

© Franz Muzzano - Janvier 2018. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

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10 avril 2015 5 10 /04 /avril /2015 19:40
Chris Merritt - What do you think about helping a "great"?

William Tell - Scala 1988.

 

This time, i am going to make a short note...

Remember... Ermione, Il Viaggio a Reims, Maometto II, Tancredi, Zelmira, I Puritani, William Tell, Benvenuto Cellini ... and so many other works. Perhaps, as me, did you hear the great Chris Merritt, in concert or on CD. The artist’s career as great as it is, often hangs by a thin thread. The voice can be damaged and after that, come back fine, all the singers know this kind of problem. But, if you have significant management problems, all your activity suddenly stops. And you move out of the limelight and into the shadows and you are shortly forgotten. Chris is 62, he is not old. He has still all his voice. Probably not to sing the heroes who made it famous (in Rossini, for instance), but to deliver many roles, with special character. He had always a great musical quality of his voice, with a exceptional vocal projection and ability to be a good actor, doing his best. I will say no more, you have just to read the following link. I know him a little, I guess that for him to go through it to be a painful situation. But he is modest. Yes, that's him, as he said in the beginning of the note. This is not a "fake". So if you are enchanted by his voice, once or more, if you often listen to him, and consider his sung as a reference, there is easy way to thank him. I let him explain it himself.

 

(Thanks to Hélène Adam for the translation).

 

 

 
 
 

Thank you for that, for instance :

 

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9 avril 2015 4 09 /04 /avril /2015 22:23
Chris Merritt - Et si nous aidions un grand ?

Arnold (Guillaume Tell) - Scala 1988.

 

Pour une fois, je vais faire court. Souvenez-vous...Ermione, Il Viaggio a Reims, Maometto II, Tancredi, Zelmira, I Puritani, Guillaume Tell, Benvenuto Cellini...et tant d'autres ouvrages. Peut-être, comme moi, y avez-vous entendu, en live ou au disque, l'immense Chris Merritt.

La carrière d'un artiste, aussi grand soit-il, tient à très peu de choses. La voix peut connaître un souci, et revenir, tous ont connu cela. Mais de vrais problèmes de management peuvent avoir pour conséquences que tout s'arrête. On passe alors de la pleine lumière à l'ombre, voire à l'oubli.

Chris a 62 ans, ce n'est pas vieux. Il a encore toute sa voix. Certes pas pour chanter les héros qui l'ont fait connaître (dans Rossini, par exemple), mais pour incarner quantité de personnages dits "de caractère", avec toute la musicalité qu'il a conservée, sa projection exceptionnelle, sa capacité à se fondre dans un rôle, en donnant tout.

Je n'en dis pas plus, je vous laisse lire le lien qui suit. Je le connais un peu, je sais que pour lui, en passer par là doit être une épreuve douloureuse tant il est pudique. Oui, c'est bien lui, comme il le dit au début. Ce n'est pas un "fake".

Alors si vous aussi, un soir ou plusieurs soirs, il vous a enchantés, si vous le réécoutez souvent comme une référence, il y a une façon très simple de lui dire merci. Je le laisse vous l'expliquer lui-même...

 

Alors à nous de jouer, selon nos possibilités...Pour qu'il puisse honorer les engagements qu'on lui propose, et vivre de son art. Nous lui devons bien ça.

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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 22:37
Stéphane Lissner - Derrière la façade.

Faire de Bastille la première scène lyrique mondiale, attirer les plus grands noms et les fidéliser, travailler dans le dialogue avec le personnel pour éviter les grèves, s'ouvrir vers un nouveau public, développer le numérique, privilégier une programmation ambitieuse en multipliant les nouvelles productions, bref "oser" et sortir de l'immobilisme, tel est le credo de Stéphane Lissner. Et quand on regarde la saison annoncée pour 2015/2016, il y a de quoi se réjouir. Je ne détaille pas, côté "stars", nous sommes servis. Alors un petit peu de promotion, et une invitation sur une chaîne d'information, ça ne peut pas faire de mal.

Invité ce 13 février sur BFM Business (eh oui ! les affaires sont les affaires...), Lissner a eu tout loisir, face à une interlocutrice plutôt bienveillante, de mettre en avant son passé, ses ambitions, ses atouts. Jusque là, rien que de très normal (sauf son regret visible d'avoir à travailler sur deux lieux différents, Bastille et Garnier, ce qui lui semble être un handicap alors que cela devrait être un atout).

 

 

Chacun pourra discuter sur la "transmission", et les moyens envisagés pour toucher un public plus jeune. L'important n'est pas là. Nous entendons un homme sûr de lui, adoubé par Beffa et, dit-il, par les artistes. Mais déjà, un premier souci apparaît, concernant le prix des places qui, semble-t-il, n'augmenterait pas. Il suffit de regarder les tarifs de la catégorie 4 pour se rendre compte qu'il n'en est rien. Pour l'instant, seuls les abonnements sont mis en vente, nous jugerons au cas par cas. Et le plus beau arrive, après le constat du retard pris dans le domaine de la communication sur les réseaux sociaux, si développé dans les autres "grandes maisons". Là, nous allons atteindre l'Everest du surréalisme. Si vous êtes pressés, ou un peu lassés par le côté quelque peu soporifique du dialogue, allez directement à la treizième minute :

 

 

Imaginons un instant un nouvel Administrateur Général de la Comédie Française qui ne reconnaîtrait pas la "Tirade du nez", celle de Rodrigue, et qui se mettrait à pleurer en entendant que "Le petit chat est mort", simplement parce qu'on ne l'avait pas prévenu et qu'il est très sensibilisé à la cause animale. Eh bien le grand, l'immense, le "Messie" Stéphane Lissner se retrouve dans cette situation. À un point tel que j'ai pensé à une blague pas vraiment drôle qu'il voulait faire, ne souhaitant pas se prêter à ce "blind test" enfantin pour tout amateur d'opéra, même débutant. Mais non, j'ai vu et revu, il ne joue pas la comédie. Voilà le nouveau patron de l'Opéra de Paris, dans toute sa majesté et ses 30000 euro mensuels hors primes qui confond La Wally et Norma, s'enfonce dans une explication vaseuse sur La Forza pour masquer son ignorance crasse (lui qui a été patron de La Scala durant suffisamment d'années, et à Milan, tout le monde connaît cette histoire), et qui met un bon moment avant de reconnaître Carmen. Après cela, nous aurons droit à un moment de bonheur absolu, qui le voit douter de la voix de Callas dans Tosca, bredouillant un "je ne connais pas cet enregistrement...c'est celui...euh...celui de Londres, avec Tito Gobbi ?". Il devait être devant sa télévision un soir d'hommage sur Arte, quand fut rediffusé l'acte II de 1964...Et cerise sur le gâteau, on termine avec Butterfly, que bien entendu il ne reconnaît pas, et que d'ailleurs "Callas n'a jamais chanté sur scène". Manque de chance, elle fut trois fois Cio Cio San à Chicago en 1955, incarnation qui est restée célèbre ne serait-ce que grâce à une photo prise à l'issue de l'ultime représentation, où on devine très bien ce qu'elle pense du Marshal Pringle venu la cueillir dans sa loge (en kimono !) pour une sombre histoire de contrats.

 

 

Stéphane Lissner - Derrière la façade.

Outre le fait qu'il se ridiculise devant un public bien plus vaste que celui de BFM Business (la vidéo fait actuellement le tour du monde, et la presse ne se prive pas de relayer, particulièrement en Italie), c'est son attitude qui est détestable. On ne lui demande pas de reconnaître une cabalette ajoutée et facultative de Linda di Chamounix ou de nommer le Docteur dans une Traviata pirate captée à Seattle en 1971, on lui propose des extraits qui auraient leur place dans un jeu télévisé animé par Nagui. Et, surtout, on devine toute la condescendance, tout le mépris qu'il porte à ce répertoire, qu'il considère comme du "divertissement". Déjà, dans la première partie, il avait qualifié Rossini et Donizetti de compositeurs de "farces", qui n'amènent pas à la réflexion. Il n'a pas dû voir la production du Turco à Aix cet été, il aurait compris qu'un metteur en scène et des chanteurs talentueux et intelligents peuvent "questionner" avec cette oeuvre d'apparence buffa. Et c'est ainsi qu'il veut faire venir un nouveau public à Bastille ou Garnier ? Alors oui, bien-sûr, il encense et donne en exemple la somptueuse Elektra mise en scène par Chéreau, donnée à Aix, là aussi, en 2013. Et à juste titre. Mais en terminant par un "personne n'a incarné le rôle ainsi" d'un ridicule achevé. Les fantômes de Borkh, Rysanek, Varnay ou Nilsson ont dû apprécier, et Dame Gwyneth Jones éclater de rire. Mais connaît-il au moins ces noms ?

Alors oui, son carnet d'adresses est riche des plus grands noms, paraît-il. Mais il ne faudrait pas qu'il oublie une chose : à partir de septembre 2015, il va se trouver face à un Kaufmann, un Beczala, une Harteros, un Terfel, une Netrebko, un Alagna (et pour ce dernier, on a le sentiment que cela ne le réjouit pas vraiment, il n'a visiblement pas entendu l'explication définitive et claire de "l'affaire" d'Aida donnée par le ténor...Il est fort possible que le contrat de L'Elisir d'amore ait été signé avant sa nomination officielle), artistes qui ont tous un point commun, celui d'avoir une grande connaissance de l'Histoire de l'Opéra, des oeuvres et des interprètes, et de s'en nourrir quotidiennement. Et pour eux, Traviata, Tosca, Butterfly, etc. ne sont pas du "divertissement". Et après avoir honoré leurs contrats, ils ne se priveront pas pour faire tomber ce masque, cette façade de "grand serviteur de l'Art Lyrique", qui aurait plutôt intérêt à changer de discours. Quitte à rester bon gestionnaire, ce qu'il est très probablement, pour laisser faire ceux qui "savent" sublimer tout le répertoire, même celui qu'il n'aime pas. Rolf Liebermann et Massimo Bogianckino doivent avoir un petit sourire triste, là-haut...

Nous jugerons en temps voulu. Mais le plan de communication commence bien mal...

 

© Franz Muzzano - Février 2015. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 02:12
Je suis Anna, je suis Valery.

Faudra-t-il, dans un jour prochain, qu'un artiste, un écrivain, un cinéaste, un sportif même remplissent un questionnaire avant chaque prestation, chaque édition, chaque réalisation, chaque compétition ? Le résultat, noté sur vingt, lui donnerait la possibilité de se produire, de concourir. Ou pas. Il y aurait les "purs", ceux qui pensent bien, c'est-à-dire comme l'uniformisation intellectuelle les y obligerait. Et il y aurait les "impurs", les parias, les infréquentables. Ceux qui n'ont pas la bonne idée de suivre de façon moutonnière les impératifs de la doxa médiatiquement imposée et prétendument dominante. Ce jour-là viendra-t-il plus vite qu'on ne le croit, donnant enfin raison aux prophéties orweliennes ? Il est légitime de se poser la question lorsque l'on voit qu'une fois encore, Anna Netrebko et Valery Gergiev ont été pris à partie par des manifestants rassemblés à l'extérieur du Met, à l'issue de la première de Iolanta ce jeudi. La raison ? toujours la même : les positions pro-Poutine du chef, les actes jugés inacceptables de la cantatrice. Lui soutient un "dictateur", elle a eu le malheur de signer un chèque d'un million de roubles à Oleg Tsarov, séparatiste pro-russe, pour sauver le théâtre de Donetsk. Inqualifiable !

Je ne donnerai pas ici ma position quant à la situation en Ukraine, d'abord parce que ce n'est pas l'objet de ce blog, ensuite parce que je n'ai tout simplement pas les compétences en géopolitique pour avoir un avis étayé et une opinion raisonnée sur ce sujet grave. Mais il y a un point sur lequel je ne transigerai jamais : la liberté de penser comme bon nous semble, que cela plaise ou non. Depuis trois semaines, la France ne parle que de "liberté d'expression". Celle-ci est totale aux États-Unis, gravée dans la constitution, et n'est pas polluée par de stupides et dangereuses lois dites mémorielles. Et pourtant, à New York, il se trouve encore quelques abrutis diplômés pour contester le droit à deux artistes de penser comme ils le souhaitent. Déjà, en octobre 2013, la première d'Eugène Onéguine avait été perturbée par des agitateurs (vraisemblablement payés pour cela, vu le prix des billets pour un gala marquant l'ouverture de la saison, sachant qu'ils allaient être expulsés), simplement parce que la production réunissait les deux mêmes protagonistes, qui ne cachent pas leur soutien à Vladimir Poutine. À l'époque, le lobby gay leur reprochait de cautionner, ne serait-ce que par leur silence, les lois interdisant la propagande de l'homosexualité. Et comme il est aisé de traiter Poutine de tous les noms lorsqu'on se trouve à très exactement 7519 kilomètres, à vol d'oiseau, de Moscou, les "courageux" donnent de la voix.

Sauf que l'on me pardonnera de considérer que Gergiev et Netrebko ont parfaitement le droit de penser ce qu'ils veulent, et même de l'exprimer. Que l'on soit, que je sois, d'accord ou pas avec eux n'a strictement aucune importance. Ils sont au Met pour faire leur métier, celui d'artistes, et dans leur cas d'artistes d'exception. Le public ne s'y déplace pas pour assister à un meeting, il y vient pour écouter Iolanta (Tchaïkovsky n'a décidément pas de chance au Lincoln Center !). Mais il y a plus grave...

La représentation s'était déroulée normalement, et l'accueil était triomphal. Mais au moment des saluts, un sinistre nuisible surgit des coulisses, côté jardin, brandissant une pancarte où les visages de Netrebko et de Gergiev encadraient celui d'Hitler, les mettant sur le même plan dans l'échelle de l'abomination. Cet abruti définitif, probable détenteur de ce fait du record du monde de vitesse d'atteinte du Point Godwin, n'est autre que Roman J. Torgovitsky, président d'une association nommée Wounded Warrior Ukraine. Il a certes été arrêté, non sans avoir récolté une salutaire bordée d'injures, de sifflets et de huées de la part du public, mais a tout de même eu le temps de rester sur scène un long moment, sous le regard consterné de Piotr Beczala, qui secouait la tête devant tant de bêtise, pour rester poli. Les deux artistes visés, eux, choisirent de feindre d'ignorer.

 

 

 

 

 

Mais au-delà de l'abyssale connerie de ce geste (ça y est, je n'ai pas réussi à demeurer poli...), une question se pose. Comment un tel "incident" a-t-il pu se produire ? Le service de sécurité du Met est en principe d'un grand professionnalisme, et probablement sur les dents en cette période où les menaces d'attentats sont partout présentes. Imaginons qu'il ait été en possession d'une arme ? Quelle aurait été la différence, si ce n'est une différence de degré, entre les deux gestes ? Regardez bien cette vidéo (tant qu'elle est en ligne...) : Il reste environ trente secondes sur scène, et sort de son propre chef côté cour. Personne ne vient le dégager, à l'évidence on le laisse agir en toute tranquillité. Alors il n'y a que trois possibilités. Soit les agents de sécurité sont nuls, et cette hypothèse est évidemment à exclure. Soit il a bénéficié de plusieurs complices sur place, lui permettant de réaliser son "coup", et le ménage doit être fait. Ou alors son geste a été négocié et préparé, et Peter Gelb devra trouver de très sérieux arguments pour s'en expliquer. Mais d'ici à ce que Gergiev et Netrebko prennent la décision de ne plus remettre les pieds au Met, si c'est pour à chaque fois devoir rendre des comptes ou se justifier de leur choix politique, il n'y a qu'un pas. Et ne nous disons pas "c'est l'Amérique", de telles actions peuvent se produire n'importe où. Et en France, par exemple, je ne suis pas convaincu que le public réagirait de le même façon.

Il se trouve déjà des blogueurs, ou prétendus tels, qui se servent de leur support comme medium de leur fiel et de leur délire dans un flot de pensée inique, pour saluer le geste de Torgovitsky et reprendre à leur compte les hurlements des manifestants massés devant le Met : "Honte au Met ! Honte à Netrebko ! Honte à Gergiev !". Mais même si je pense très fort "Honte à eux" en évoquant ces scribouillards, je leur reconnais le droit de l'écrire. Car contrairement à eux, je respecte la liberté d'expression. Et sans autre limites que celles de l'atteinte à la vie privée et la diffamation.

Heureusement, Netrebko, Beczala et Gergiev avaient, avant cela, porté Iolanta vers les sommets. Comme d'habitude...

 

© Franz Muzzano - Janvier 2015. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

 

 

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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 20:17
Mise au point, à l'attention des sourds et des mal-comprenants.

Visiblement, pour certains, s'affirmer subjectif mais sincère, passionné mais impartial ne sont pas des vertus suffisantes. Il faudrait garder une ligne de lécheur de fondement ou de flingueur systématique pour rester crédible. Remettre quelques pelletées de terre sur une tombe que l'on aurait creusée, ou faire reluire quotidiennement la statue que l'on aurait érigée. Bref, être soi-même un mal-comprenant, formule polie pour ne pas appeler un con...un con.

 

Depuis que j'ai osé dire tout le bien que je pensais du récital de Roberto Alagna, Ma vie est un opéra, j'ai reçu une quantité de commentaires dont les moins insultants m'invitaient à me rendre dans les plus brefs délais sur l'île de Mykonos, évidemment dans le plus simple appareil, à y laisser tomber quelque chose sur la plage...et à chercher longtemps. D'autres furent plus expéditifs, et si les actes suivaient les écrits, je serais mort vingt fois. Oh, je sais qu'il s'agit des mêmes amis qui me veulent du bien, peu nombreux mais cachés sous plusieurs pseudonymes. Qui probablement continueront tant qu'ils ne s'épuiseront pas en constatant que je ne publie pas leur prose qui se voudrait fleurie, mais qui n'est que fanée. Critique ou désaccord, pas de problème. Insulte, perte de temps.

 

Je me suis rendu compte qu'en disant ce que je pensais, j'ai pu être mal compris et ai donné du courage et des arguments à tous ceux qui en manquaient, tout simplement parce qu'ils ne saisissaient pas le sens de mon propos. Eux ont une fois pour toutes décidé que Roberto Alagna était un imposteur, un chanteur de pacotille, et qu'il en avait toujours été ainsi. Et que, surtout, rien ne changera. Et je reconnais que ce que j'ai écrit, pris au premier degré, a pu les mettre en joie. Oui, j'ai été violent, injuste parfois, définitif souvent. Se sont-ils demandé pourquoi ? Un compte à régler ? Certes non, eux, peut-être ont ce genre de problème avec Roberto. Simplement, un blog se  créé à un moment donné, et le mien ne l'a peut-être pas été à la bonne période.

J'ai gardé un souvenir impérissable de son Edgardo de Lucia en 1995, de son Rodolfo de Bohème en 1996, les deux à Bastille. De son Carlos mémorable au Châtelet, de son Don José d'Orange. De tout ce qu'il abordait dans le répertoire français. Mais je suis bien obligé de me répéter, ces dernières années m'ont déçu. Je n'entendais plus le musicien que j'avais aimé, tout simplement. Problèmes de comportement (dont je n'avais pas forcément toutes les explications...à l'image de la communication sur l'Aida scaligère qui, si elle est claire aujourd'hui, ne l'a pas toujours été), d'entourage immédiat, de choix de répertoire...j'avais la nette impression qu'il était en train de se perdre. Je l'ai écrit, souvent en des termes crus. Et, concernant Otello ou Calaf, je l'écrirai encore en écoutant les prestations d'Orange. Mais au milieu des violences du propos, si l'on sait lire entre les lignes, se trouvait toujours une lueur d'espoir. Celui que le grand ténor indispensable à la scène lyrique actuelle revienne au niveau qui aurait dû rester le sien (j'accepte que l'on me dise qu'il n'avait pas baissé, subjectivité, quand tu nous tiens !...). Et puis vint ce disque en forme de confession.

J'ai réalisé deux choses. La première est que j'avais probablement sous-estimé les aléas d'une vie, ses drames, ses côtés sombres, tout ce qui altère la carrière d'un artiste, et a fortiori d'un chanteur, plus exposé que tout autre. Et la seconde, la plus importante peut-être, que j'ai déjà évoquée en commentant son disque : la sérénité retrouvée, la vie familiale heureuse et paisible, la "montagne" Otello gravie. Encore une fois, qu'importe comment ce sommet a été franchi : il l'a été. Le résultat est là, implacable, évident. LA voix que j'aimais est revenue (ou il est possible que je l'entende ainsi, là encore on me dira qu'elle n'était jamais partie), avec sa richesse harmonique et son incroyable flexibilité. L'Énée berlinois l'annonçait, mais le Carlo viennois l'a montré dans toute son ampleur. Et, il y a quelques jours, un Roméo madrilène (pourtant donné dans des conditions physiques plus que difficiles) a simplement balayé toutes les réserves que je pouvais avoir. Depuis quand ne l'avait-il plus chanté dans son intégralité, même en version de concert ? Mais le temps, au lieu d'alourdir la voix, lui a conservé toute sa clarté en lui offrant une épaisseur qu'elle ne pouvait pas avoir plus tôt. Absolue leçon de chant, de phrasé, de diction, de nuances (avec à la baguette un Plasson magistral), qui lui permet d'être aujourd'hui Roméo et José, Werther et Rodrigue, Nemorino et Carlo(s). Et aussi d'envisager des prises de rôles qui en auraient fait sourire beaucoup il y a quelque temps, à commencer par moi : Lohengrin est annoncé, mais il évoque aussi la version française de Tannhäuser. Et là je ne ris plus du tout, parce que j'y crois, et j'attends avec impatience. Car le bonhomme est, aussi, l'un des plus fins connaisseurs de l'Histoire de l'art lyrique, de ses créateurs, des différentes versions des oeuvres, de ses légendes (avec ses faiblesses bien excusables : comme tout ténor, il vénère Gigli, ne retenant que les pépites et oubliant les trop nombreux enregistrements réalisés par-dessus la jambe...). Il faut écouter attentivement l'entretien qu'il a accordé au site "Forum Opéra", à qui il arrive parfois de remplir son rôle. On en apprend beaucoup sur lui, mais surtout sur la musique en général, et c'est tout de même le plus important (même si je suis décidément en désaccord avec lui sur l'approche "vocale" du rôle de Werther, qu'il interprète pourtant superbement, mais cela n'a aucune importance). Il se dit ténor, il est d'abord musicien.

 

Comme si les attaques ad hominem ne suffisaient pas à provoquer l'onanisme des quelques frustrés qui pensaient trouver dans mes critiques matière à leurs fantasmes, ils n'ont pas manqué de souligner avec délectation que je m'attaquais aussi à celles que je nommais les "groupies". Il est vrai qu'à la lecture de leurs commentaires, tout est rose et doux, dans le plus beau des univers. Que ces coincés de l'émotion sache qu'aujourd'hui, j'en connais quelques-unes, et que les plus actives d'entre elles sont loin d'être les jouvencelles énamourées aveugles et sourdes qu'ils s'imaginent observer. Bien entendu, il s'en trouvera toujours quelques-unes pour tomber dans le jeu pervers de la compétion entre chanteurs, mais elles sont peu nombreuses. Et elles ont une qualité qui se fait de plus en plus rare aujourd'hui : la fidélité.

 

Alors il est possible que l'avenir me verra être à nouveau critique, voire parfois sévère, vis-à-vis des prestations de Roberto Alagna. Il ose, il prend des risques, il en connaît les conséquences. Il en mesure aussi les joies, quand tout se passe bien. Et quelque chose me dit que nous entrons dans une période de sa carrière où les belles soirées vont être nombreuses. Donc, que les Beckmesser masqués qui répandent leur fiel sur ce blog préparent leurs arguments, s'ils en ont. Ou qu'ils se taisent, je gagnerai du temps.

 

En attendant, qu'ils écoutent ce qu'Alagna propose aujpurd'hui. Cela ne peut leur faire que du bien...

 

 

Ah lève-toin soleil ! - Gounod - Roméo et Juliette - Acte II.

Madrid, Teatro Real - 16 décembre 2014.

 

 

© Franz Muzzano - Décembre 2014. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

 

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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 17:30

Beaucoup d'articles à écrire, mais honte à moi...j'ai pris du retard ! Alors...

Pas de littérature aujourd'hui, mais quelques pépites pour vous souhaiter un très beau Noël, avec une pensée pour tous ceux qui sont seuls.

 

 

...et tant d'autres pépites que j'aurais pu vous proposer !

 

Merci à tous ceux qui nous font, ou nous ont fait vibrer par leur chant et le don de leur art. Et merci pour ce qu'ils vont encore nous offrir !

 

Encore une fois, beau Noël à tous !

 

Franz.

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21 novembre 2014 5 21 /11 /novembre /2014 01:12
Paris Opera Awards 2014 - Daria Terekhova seule avec La Stupenda.

Daria Terekhova, Lucia di Lammermoor - Moscou, Danchenko Music Theatre.

 

Pour leur deuxième édition, les Paris Opera Awards étaient, en ce 19 novembre, placés sous le regard protecteur de Dame Joan Sutherland, à qui la soirée était dédiée. Protection symbolique mais aussi charnelle, dans la mesure où le président du jury n'était autre que Sir Richard Bonynge.

Ce concours international est une idée magnifique. De jeunes chanteurs venus du monde entier peuvent y participer. Directeurs de théâtres, agents artistiques et journalistes peuvent ainsi entendre ceux qui, peut-être, seront les grandes voix de demain.

La Salle Gaveau était prête à vibrer pour savoir qui allait succéder à Mary Jean O'Doherty et Julien Dran, lauréats 2013, malheureusement parmi seulement neuf finalistes, la mezzo espagnole Carol Garcia ayant déclaré forfait pour aller chanter Rosina à l'Opéra de Montréal, et n'ayant pas été remplacée.

Initiative superbe, donc, et de plus fort bien organisée par Alexandre Lomov mais qui, et personne n'en est réellement responsable, m'a provoqué cette année une certaine déception. La raison principale en est le niveau général des prestations proposées, loin de ce que l'on est en droit d'attendre d'un concours de cette importance. En regrettant par ailleurs l'absence d'au moins une vraie basse et d'une mezzo parmi les finalistes.

Les cartes de visite des concurrents étaient pourtant alléchantes. Beaucoup sont déjà lauréats d'autres concours, la plupart ont déjà assuré des rôles importants sur scène. Alors peut-être faut-il se poser la question de la formation, des conseils reçus, et surtout du choix de certaines pièces. Comment expliquer que des barytons-basses proposent des airs dont ils n'ont pas le timbre (cavatine d'Aleko) ou simplement la projection ? Je ne citerai aucun nom, sauf exception, mais il a vraiment fallu tendre l'oreille dans certains Mozart, dans la mort de Posa ou dans Lucrezia. Côté ténors, on a surtout pu se rendre compte de la réelle difficulté du Lied d'Ossian de Werther, et de l'inadéquation de l'air d'Alfredo (avec cabalette) à un chanteur qui masque avec peine sa crainte des aigus (qu'il aurait pourtant sans problème, s'il ne les passait pas en arrière). Seul Cristian Mogosan, école roumaine oblige, est parvenu à se faire entendre, grâce à un matériau vocal énorme mais qui demande à être canalisé (sans parler de la justesse).

Il est vrai que l'accompagnement offert par l'Orchestre Prométhée, dirigé par Pierre-Michel Durand, n'a pas donné dans la nuance, même dans les passages les plus doux (l'attaque de la mort de Posa !). À sa décharge, l'ensemble n'a pu effectuer qu'une seule répétition avec les neuf finalistes, et les instrumentistes le reconnaissaient eux-mêmes après le gala, ils ont souvent sauvé les meubles, semblant parfois déchiffrer leur partition. Un ou deux services supplémentaires ne seraient pas un luxe, mais bien évidemment cela a un coût. Un effort des sponsors permettrait de corriger le tir pour la prochaine session, les miracles n'étant pas toujours possibles.

Côté voix de femmes, le problème fut différent. Quatre soprani étaient en compétition, et pour aucune d'entre elles la projection n'a été un souci. Mais comment peut-on se perdre ainsi dans Manon, et donner les aigus de Gilda sans en avoir les graves ? Comment se présenter avec Marguerite de Faust et le Sempre libera de Violetta quand on n'a jusqu'alors chanté que Despina, Cleopatra de Giulio Cesare ou Alcina ? Que font les professeurs, les répétiteurs ? À trop vouloir briller dans des airs que tout soprano rêve de chanter, en ne les maîtrisant pas, on se brûle les ailes.

Le souci est que le règlement prévoit d'attribuer trois prix aux voix de femmes et trois aux voix d'hommes. Dans beaucoup de concours, si le niveau est jugé insuffisant, il n'y a pas de premier prix, voire pas de deuxième. Est-ce pour cette raison que l'on nous annonça que le vote avait eu lieu à bulletin secret, le jury ne parvenant pas à se mettre d'accord ? Le premier prix attribué à Pietro di Bianco apparaît comme avoir été donné "par défaut", non qu'il soit un médiocre chanteur, loin de là. Il a eu le désavantage d'ouvrir la soirée, et m'a plu par sa générosité, par son sens de la ligne, par sa musicalité. Mais est-il vraiment baryton-basse ? Un ami m'a même suggéré, avec beaucoup de clairvoyance, qu'il pourrait bien être un ténor qui s'ignore...

Pour les femmes, je pense que la question du premier prix fut vite réglée, j'y reviendrai. Mais est-ce vraiment un grand service à lui rendre que d'octroyer le deuxième prix à Marina Nachkebiya, soprano géorgienne chez qui l'on devine une jolie voix "lyrique", mais qui se fourvoie dans un répertoire de spinto qui n'est pas le sien ? Et pas n'importe quels rôles : le Pace, pace mio Dio de La Forza et le non moins redoutable Suicidio ! de La Gioconda ! Une voisine, derrière moi, laissa échapper un "elle n'ira pas au bout" après quelques mesures de Leonora...que je pensais très fort au même moment. Elle s'est sortie de ce piège sans accident notable, mais au prix de quels efforts ! Cette récompense ne risque-t-elle pas de la conforter dans ce choix très probablement suicidaire, justement ? Là se trouve, à mon sens, la limite du règlement de ce concours, qui semble être d'octroyer des récompenses coûte que coûte.

Mais le premier prix ne souffre d'aucune contestation. Le prix du public est d'ailleurs venu le confirmer. Daria Terekhova a offert une prestation sans comparaison aucune avec celles proposées par les autres candidats, et on regretterait presque qu'elle n'ait pas eu plus de concurrence tant la différence de niveau, tout simplement, était criante. Et sur tous les plans, pas seulement vocal. Elle est la seule à avoir réellement "interprété" scéniquement ses deux rôles, et de façon naturelle, là où quelques autres tentaient des postures qui pouvaient les aider à se sentir plus à l'aise. ll faut dire que depuis 2010, elle est membre de la troupe du théâtre Nemirovich-Danchenko, qui utilise la méthode Stanislavsky. Elle y a chanté Pamina, Despina, Elvira, Zerlina, Lucia et Olympia, entre autres. À 27 ans, on sent déjà un vrai "métier", simplement dans sa façon de se présenter sur le plateau. La voix doit encore s'arrondir, prendre du corps, et avec l'âge elle s'appuiera sur une fondamentale qui lui manque encore un peu. Mais elle est peut-être la seule à chanter avec ses véritables moyens un répertoire qui lui correspond parfaitement (et, par ailleurs, judicieusement choisi dans le cadre d'un hommage rendu à Dame Sutherland...). Dans La Sonnambula, son Ah, non credea mirarti est proposé pianissimo, presque murmuré, mais parfaitement timbré et obligeant le public (et le jury...) à une écoute "active". L'orchestre met quelques phrases à comprendre ce choix, mais elle n'en bouge pas et cette aria sonne comme une superbe cantilène belcantiste. Qu'elle enchaîne tout aussi superbement avec une cabalette dans laquelle elle se lâche, se jouant de la colorature avec une grande aisance. Intelligemment, elle choisit Olympia comme second air, et "joue" parfaitement la poupée sans pourtant en faire trop, balançant ses aigus comme s'ils étaient une formalité. Si elle poursuit dans cette voie, si les agents ne la massacrent pas, si elle fait preuve d'intelligence dans ses choix de rôles, elle peut très rapidement se retrouver sur les plus grandes scènes. Ce premier prix amplement mérité devrait l'y aider. De toute façon, il va falloir la suivre.

Rien que pour cette découverte, cette édition se justifiait et il faut une fois encore saluer Alexandre Lomov pour son travail. Mais il n'en demeure pas moins vrai que le cru 2014, pour les autres finalistes, s'est avéré moyen, pour ne pas dire médiocre. Il faut donc que ce concours soit encore plus aidé et médiatisé, afin d'attirer des voix plus "compétitives" (sauf à considérer une pénurie de jeunes chanteurs de qualité à travers le monde cette année, ce que je ne crois pas une seconde). Je n'accable pas les autres candidats, ils peuvent tous prétendre à une carrière et sont tous musiciens (à l'image du baryton australien Sam Robert-Smith, récompensé par un prix spécial du jury pour son interprétation, probablement de Posa, où il put faire admirer sa gestion du souffle et de la ligne. Je ne veux pas penser que ce prix soit une concession faite à Sir Bonynge en raison de sa nationalité...). Mais, simplement, à mon avis ils ne sont pas encore mûrs pour des concours de ce calibre. Il faut que les lauréats soient les vainqueurs d'une véritable "compétition", quitte à susciter la polémique, quitte même à ce que certaines années il n'y ait pas de vainqueur.

Mais pour cela, peut-être faudrait-il repenser la composition du jury. Cette année, difficile de trouver meilleur connaisseur des voix que Sir Richard Bonynge en président, oui, d'accord. Mais comment se fait-il que, parmi les huit autres membres de ce jury, il ne se soit trouvé aucun chanteur de classe internationale, et même aucun chanteur tout court ? La précédente édition avait pourtant accueilli Sherrill Milnes et Martina Arroyo à la "table d'écoute"...

Un mot enfin pour déplorer le manque d'éducation du public, qui a dans sa quasi totalité quitté bruyamment la Salle Gaveau alors que l'organisation proposait, en clôture de soirée, un témoignage vidéo de Dame Joan Sutherland dans Beatrice di Tenda sous la direction de...Sir Richard Bonynge, qui a dû observer cette marque d'irrespect avec une certaine tristesse. Mais bon, parfois je me dis qu'après tout, on est en France...

 

Palmarès 2014 :

1er prix femme - Daria TEREKHOVA, Russie.
1er prix homme - Pietro DI BIANCO, Italie.

2ème prix femme - Marina NACHKEBIYA, Georgie.
2ème prix homme - Xiaohan ZHAI, Chine.

3ème prix femme - Leonie RENAUD, Suisse.
3ème prix homme - Sam ROBERTS-SMITH, Australie.

Prix du public - Daria TEREKHOVA.
Prix spécial du jury (meilleure interprétation) -Sam ROBERTS-SMITH
.

 

 

Paris Opera Awards 2014 - Daria Terekhova seule avec La Stupenda.

Xiaohan Zhai, Sam Roberts-Smith, Marina Nachkebya, Leonie Renaud, Daria Terekhova, Pietro di Bianco.

 

 

© Franz Muzzano - Novembre 2014. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 21:31
Soutien absolu à Tamar Iveri.

La Clemenza di Tito - New York, Met 2008. Au centre, Tamar Iveri (Vitellia).

 

On se souvient de la polémique ayant eu lieu au Met lors des représentations d'Eugen Onegin suite aux prises de positions d'Anna Netrebko et surtout de Valery Gergiev, tous deux partisans de Vladimir Poutine. Ce n'était absolument rien comparé à ce qui arrive à Tamar Iveri, qui voit tout simplement la suite de sa carrière compromise. Tout cela à cause de la dictature de la pensée unique qui, dans ce cas précis, se fonde sur des informations déformées concernant des propos tenus par son mari il y a un an.

Oui, Tamar Iveri est opposée à la légalisation du mariage entre homosexuels en Géorgie. Jusqu'à preuve du contraire, c'est son droit le plus strict et comme je l'ai déjà dit, nous n'en sommes pas encore à exiger des artistes lyriques qu'ils possèdent une carte d'adhérent à une quelconque association de sympathisants LGBT pour avoir le droit de se produire sur les scènes occidentales. Mais elle n'a tenu aucun propos dit "homophobe". Simplement, son mari a publié un statut sur leur compte facebook commun, le 17 mai 2013, dans lequel il s'insurgeait de la tenue (et des provocations) d'une gay pride à Tbilissi, alors que dans le même temps se déroulaient les funérailles de soldats Géorgiens morts en Afghanistan. Cette manifestation a volontairement perturbé la cérémonie, qui a été annulée et reportée. Parmi les victimes se trouvait son meilleur ami.

Mais la presse n'a pas cherché à aller si loin. Le statut se trouvait sur le compte de Tamar, elle est donc une méchante homophobe. Du pain bénit pour certains militants occidentaux, qui trouvent en elle une nouvelle sorcière à brûler. Déjà, des pétitions circulent à Sydney, pour qu'elle soit remplacée en Desdemona dans l'Otello qui doit commencer dans trois semaines, l'hérétique. Mais, surtout, La Monnaie de Bruxelles l'a déjà "remerciée" en trouvant une autre soprano pour l'Amelia du Ballo qui se donnera en mai 2015. Je suppose que le contrat était signé. Quel a donc été le motif de sa rupture ? Tout cela ressemble fort à du délit d'opinion, vous ne trouvez pas ?

On a vu des carrières brisées pour moins que cela, et elle est actuellement très affectée par cette misérable affaire. Alors je vous en supplie, ne vous laissez pas influencer par la propagande, et comme moi, par l'intermédiaire des réseaux sociaux, apportez-lui votre soutien total.

 

Je vous joins ici le statut facebook écrit ce jour par Raul Tskhadadze, son mari. Tout y est très clair...encore faut-il le lire :

 

According to recent press articles Mushrooming pathos and hatred left no other choice and I decided to breach the silence. For a long time I thought that it would be an unnecessary extra comment further, however, for me it is hard to watch how affected she is, and watch how people are damaging my most precious person's reputation and her peace of mind due to which she had no share of the underlying.
The thing is that my wife’s - Tamar Iveri’s released letter on behalf of the Homophobia , which caused so many stir followed by with , and almost caused a stir in the manifesto, was almost my writing. At that time we used a common Facebook profile; At the same time, I thought to use Tamar's popularity, and to reached my voice to numerous audience I published a letter on her behalf. The letter was signed on our Facebook page, when Tamar returned home she erased the letter and got very upset. However, a few minutes were enough for people and for Georgian press.
Georgian Press the spread whole this story. I'm not going to publicly discuss details of his private life, but regret to say that it's a personal incident almost cost me the price of a loss of personal happiness. Tamar, despite the fact that the text that was written by me was unacceptable for her. She did not disclose the letter was written by me. She had endured and suffered a lot because of the letter which I wrote. Tamar has never been homophobic and especially not against Western values. I have also consider and it is necessary to explain that I was the one who wrote that day, on May 17, 2013,on Facebook page. It was the day of funeral of the Georgian soldiers who were killed in Afghanistan. One of the soldier who was killed in Afghanistan was my best friend. It seemed to me that the LGBT community's planned demonstration at the same churchyard, where the funeral was scheduled to be perceived,and it seemed as a provocation, and such reports were spread all over country. I believe that society should be naturally tolerant toward people of different sexual orientation, and at the same time people can express their will for freedom, and I thought I could express the fact that someone may not agree with the idea of Gay people’s demonstration on the streets.
I been living in Europe for a few years now and I can do some comparison between Georgian and European consciousness. Even today, I think Georgian society still is not ready for sharing some European daily life in the culture, and as of today Georgia is still is not ready in European implementation. That is what I wanted to say in the letter. However, I regret that it was not entirely clear in stating something to say, and by this letter I have caused many trouble for my lovely wife and also for myself.
I have understand my responsibility and publicly declare and the blame for the events of May 17, 2013, and all the damage should be on myself . Tamar can not be blameless in this regard. It is unbearable to me that the year later, when her explanation and apology after the incident is over in Georgia, released articles in the foreign press again caused controversy around this delicate issue.

 

 

© Franz Muzzano- Juin 2014. À partager sans réserve.

 

 

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26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 19:14

Vous allez dire que je m'acharne, que j'en remets une couche, que je pourrais changer de disque. Mais désolé, comme il se dit dans les cours de récréation, "c'est pas moi qu'a commencé" !

 

Je n'avais pas commenté la nouvelle tombée en juin dernier, qui nous apprenait que le Divo annulait sa participation à la production d'Alceste de Gluck en septembre prochain à Garnier. Une production qui était plus ou moins montée pour lui, à sa demande, avec pas moins que Minkowsky et ses Musiciens du Louvre, mise en scène par Olivier Py. Annulation "pour raisons personnelles"...Que s'est-il passé ? Mésentente avec le chef ou le metteur en scène ? Peu probable, les répétitions n'avaient pas commencé. Moment de lucidité en regardant la partition ? On peut toujours rêver à une minute d'intelligence dans un plan de carrière qui en manque cruellement. La déclamation châtiée de la ligne gluckiste lui allant à peu près aussi bien qu'un bracelet-montre à un anaconda, l'ouvrage y gagne. D'autant que Yann Beuron, qui devait alterner, assurera l'ensemble des représentations. Sa fréquentation de ce répertoire, et de celui qui l'a précédé, ainsi que son habitude de travailler avec Py et Minkowsky sont des assurances. Mais cela supposerait donc que le sieur Alagna ait eu l'humilité de reconnaître qu'il s'était trompé. L'Esprit Saint tombant sur Admète...peu probable.

 

Il reste qu'une nouvelle fois, un engagement n'est pas tenu et là, une mycose laryngée ne peut pas être évoquée. Aux dernières nouvelles, il n'a pas renoncé à Werther en janvier 2014. Chose intéressante, le programme de Bastille indique "non communiqué" pour celui qui doit chanter le 12 février...comme si les prétendants ne se bousculaient pas, ayant dans l'idée qu'ils pourraient bien avoir à assurer la totalité de la production. Et donc passer après Kaufmann, génial de bout en bout il y a deux ans. Voire récupérer les morceaux en cas de défaillance du cher Roberto après la première (pas après la générale, n'oublions pas l'inconséquence du personnage...souvenons-nous de Calaf). Mais il serait peut-être judicieux de regarder le programme du cher Jonas à ces dates-là, et de prendre une place. On ne sait jamais, il aime bien rendre service...

 

Jusque là, il n'y avait effectivement pas de raison d'en rajouter. Du Alagna dans le texte. Mais les événements de ces derniers jours font que le point de rupture est atteint.

 

Vous l'avez peut être vu chanter La Marseillaise le 14 juillet, en duplex de Marseille. En fait, enregistré, mais bon...Gatti est suffisamment grand pour s'en accomoder. Oui, il était à Marseille, où il donnait en concert les 12 et 15 juillet rien moins que Les Troyens de Berlioz ! Énée, dans la version intégrale, rien que ça...La critique a été plutôt courtoise, soulignant tout de même des aigus escamotés, des trous et des passages à vide (tout cela le nez sur son pupitre...). C'est à dire, en lisant entre les lignes, qu'il n'a tout simplement pas chanté la partition, ce qui est tout de même le minimum que l'on puisse lui demander. De plus, son utilisation de la voix mixte et de la voix de poitrine semble avoir été à l'inverse de ce que voulait Berlioz, nouveau petit arrangement avec les notes. Qui connaît vraiment cet ouvrage si complexe à monter ? Ce n'est pas Carmen, on peut berner le public, il n'y verra que du feu...Ça devient une habitude avec lui, décidément (là encore, remember Calaf, seconde soirée...).

 

Mais le pire arrive. Le 16 juillet, l'individu annulait purement et simplement le concert qu'il devait donner à Orange le 19 avec Anna Caterina Antonacci, sous la direction d'Alain Altinoglu. Pour "raisons de santé", en produisant un certificat médical, alors qu'il "chantait" Les Troyens la veille ! Trois jours pour lui trouver un remplaçant, dans un programme similaire, était tout simplement impossible. Résultat : annulation, 5400 places à rembourser, et un nouveau coup très dur pour les Chorégies, pour les finances et pour l'image.

 

Ce qui est simplement inadmissible dans cette affaire est d'avoir signé ce calendrier. Les concerts marseillais étaient probablement prévus de longue date, alors pourquoi avoir programmé celui d'Orange ? Manque total de respect pour le public bien entendu, mais surtout pour Antonacci (qui y aurait fait ses débuts), et qui avait bloqué sa date pour une soirée unique qui ne put avoir lieu. Et quel mépris pour Duffaut, qui lui passe tout depuis des années, qui fait sa programmation en fonction de lui, et surtout en fonction de ses désirs (Radames ou Canio, indéfendables, et encore une fois Calaf, qui fut bien près de sonner le glas des Chorégies...).

 

Le résultat ne se fera probablement pas attendre. Ses collègues vont commencer à en avoir par-dessus la tête de ses caprices et du peu de cas qu'il fait d'eux. Il suffit d'évoquer la Turandot de 2012 pour s'entendre répondre par la grande Lise Lindstrom que "le métier de chanteur est difficile"...Bref, elle n'a pas vraiment digéré le coup de l'épée de Damoclès qu'elle a dû subir l'été dernier, et le fait que la tragi-comédie du bonhomme occulte sa superbe prestation. Je ne suis pas certain qu'Antonacci soit prête pour une nouvelle production avec lui. Et il faut bien évoquer les accusations portées par Angela Gheorghiu dans le quotidien The Independant le 3 juillet dernier (pas Gala ni Voici...), où elle parle ouvertement de violences domestiques...

 

link

 

Et noter cette précision : "leurs collègues l'avaient pourtant mise en garde"...Oui, elle parle des "collègues".

 

Alors Monsieur Roberto Alagna, qui respectez-vous ? Pas le public, pas vos collègues, pas ceux qui vous ont aidé, pas les compositeurs, pas même votre future-ex femme (à qui, du coup, je pardonne beaucoup de choses...) ? Oui, qui, à part vous-même et votre clan qui vous protège ?

 

En 35 années de fréquentation de la scène lyrique, j'ai entendu des géants, des promesses non tenues, des catastrophes, des merveilles. J'ai toujours eu le plus profond respect pour celui ou celle qui osait se confronter au public dans le terrifiant art du chant, qui offre beaucoup mais exige autant. Jamais je n'ai croisé un tel personnage, qui n'existe que pour satisfaire son ego. Au mépris de tout, et de tous. Alors à moins d'apprendre qu'il est atteint d'une très grave maladie, je n'excuse plus rien venant de cet individu. Et préconise un absolu boycott de tous ses concerts, de toutes ces prestations, de tous ses disques.

 

Pour qu'il se taise. Définitivement.

 

(Ce dernier passage, à partir de "Alors à moins d'apprendre..." jusqu'à la fin, est ridicule et stupide. Excessif, prétentieux, tout simplement nul. Je regrette de l'avoir écrit. Je le laisse par honnêteté pour les lecteurs à venir, pour qu'ils aient devant les yeux le même texte que ceux qui l'ont lu lorsque je l'ai rédigé. Il n'était que l'expression d'une colère d'un soir, que je n'ai pas su maîtriser. Dans la mesure du possible, merci de ne pas en tenir compte, mes mots ont dépassé ma pensée) Franz Muzzano - Août 2014.

 

© Franz Muzzano - Juillet 2013. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.

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Présentation

  • : Les Chroniques de Franz Muzzano
  • : Écrivain, musicien et diplômé d'Histoire de la Musique, j'ai la chance, depuis plus de 40 ans, de fréquenter les salles de concerts et les maisons d'opéras, et souvent aussi leurs coulisses. J'ai pu y rencontrer quantité d'artistes, des plus grands aux plus méconnus. Tous m'ont appris une chose : une passion n'a de valeur que si elle se partage. Partage que je vais tenter de vous transmettre à travers ces chroniques qui relateront les productions que j'ai pu voir ou entendre (l'art lyrique y tenant une grande place). Mais aussi les disques qui ont contribué à me former, tout comme les nouveautés qui me paraîtront marquantes (en bien ou en mal). J'évoquerai aussi certaines grandes figures du passé, que notre époque polluée par les "modes" a parfois totalement oubliées. Je vous proposerai aussi des réflexions sur des aspects plus généraux de la vie musicale. Tout cela dans un grand souci d'impartialité, mais en assumant une subjectivité revendiquée. Certaines chroniques pourront donc donner lieu à des échanges, des débats contradictoires, voire des affrontements qui pourront être virulents. Tant que nous resterons dans la courtoisie, les commentaires sont là pour ça. Et vous êtes les bienvenus pour y trouver matière à vous exprimer. En n'oubliant jamais que la musique n'est rien sans les artistes qui la font vivre et qui nous l'offrent. Car je fais mienne la phrase de Paul Valéry : "Aujourd'hui, nous n'avons plus besoin d'artistes. Mais nous avons besoin de gens qui ont besoin d'artistes".
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